Comment le gouvernement a-t-il mis de côté l’intérêt public?
Depuis que le Canada a accueilli son tout premier ministre responsable de l’IA en juin 2025, le gouvernement met l’accent sur l’expansion rapide de l’industrie de l’IA tout en s’éloignant de la réglementation au nom de la croissance économique.1,2 Cette logique d’«innovation contre réglementation » a entraîné une approche centrée sur l’industrie, reléguant l’intérêt public au second plan à chaque étape de la réflexion sur l’IA.
Qu’il s’agisse de la création d’un groupe de travail sur l’IA de 26 membres dominé par des voix de l’industrie, ou de la tenue d’une consultation « publique » expéditive sur 30 jours fondée sur un sondage qui ne posait que des questions axées sur l’industrie,3,4 le processus a ignoré les nombreuses préoccupations que les Canadiens — y compris notre communauté — soulèvent depuis longtemps au sujet de cette nouvelle technologie.5 Avec si peu d’espace pour une participation publique réelle,6 le Canada risque de se retrouver avec une politique en matière d’IA façonnée par les grandes entreprises technologiques plutôt que par les personnes qu’elle touche le plus.
Qu’est-ce que le gouvernement ne demande pas?
La consultation canadienne sur l’IA comporte d’importantes lacunes et laisse de côté plusieurs enjeux qui préoccupent le plus la population. Le sondage du gouvernement abordait à peine la question de la durabilité environnementale, alors que les systèmes d’IA actuels nécessitent des quantités massives d’énergie, d’eau et de ressources.7 Il ignorait le droit d’auteur et les droits des artistes,8 même si les pratiques d’entraînement des modèles d’IA menacent la propriété intellectuelle et les moyens de subsistance.9 Il ne traitait pas de l’impact croissant de l’automatisation sur l’emploi et la stabilité économique.10 Il passait sous silence les enjeux liés à l’éducation et à la littératie numérique, alors que les jeunes comptent de plus en plus sur ces outils sans en comprendre les limites.11 Et il minimisait les défis liés à la désinformation et à l’intégrité démocratique, au moment même où le contenu généré par l’IA érode la confiance envers les institutions publiques.
Quels enjeux liés à l’IA préoccupent les Canadiens mais sont ignorés?
En août 2025, OpenMedia a demandé à sa communauté pancanadienne quel avenir en matière d’IA le pays devrait bâtir. À travers plus de 3 000 réponses, le message était clair : les Canadiens sont profondément inquiets des risques et des préjudices que le gouvernement continue de négliger.
Les gens ont soulevé des préoccupations majeures au sujet des menaces pour les droits et la vie privée, ainsi que de la perte croissante de contrôle sur leurs renseignements personnels. Plusieurs ont mis en lumière l’empreinte environnementale de l’IA — sa consommation d’énergie, d’eau et les émissions liées aux nouveaux centres de données. D’autres ont parlé de la montée de la désinformation et des hypertrucages, ainsi que de la façon dont l’IA transforme la manière d’apprendre, de réfléchir et d’accéder à une information fiable. Et partout, les Canadiens ont insisté sur les risques pour les emplois, les travailleurs et les créateurs, qui ne disposent toujours pas d’une rémunération équitable ni de protections élémentaires.
Pourquoi il est important de s’exprimer maintenant
Trop souvent, les personnes qui soulèvent de vraies préoccupations au sujet de l’IA sont perçues comme un frein à « l’innovation ». Pourtant, les Canadiens souhaitent à la fois de l’innovation et de la réglementation,12 car des règles responsables sont essentielles pour assurer un progrès durable. Or, le gouvernement continue d’agir comme si ces objectifs étaient incompatibles et que les inquiétudes du public pouvaient être ignorées. Cette attitude met en péril nos droits, nos données et notre avenir.
Si le Canada continue de réagir au lieu de diriger, nous risquons de perdre le contrôle de nos données, de notre infrastructure numérique et de notre avenir économique. La véritable souveraineté numérique repose sur l’écoute du public, la protection de nos droits et la mise en place d’un écosystème d’IA responsable — pas sur une stratégie dictée par l’industrie.
Pourquoi votre message fait une différence
Votre voix compte réellement. Les députés prêtent une grande attention aux messages envoyés par leurs électrices et électeurs. Face à un lobbying industriel intense et constant dans ce secteur valant des milliards de dollars, il est essentiel que les voix du public soient encore plus fortes pour rééquilibrer la conversation.
Le Canada est en train d’élaborer sa stratégie nationale en matière d’IA, et celle-ci doit être finalisée en 2026.13 En exprimant vos préoccupations, vous contribuez à créer la volonté politique nécessaire pour protéger nos droits, notre démocratie, les travailleurs et notre avenir numérique. Chaque message rappelle à nos dirigeants que la population s’attend à une stratégie d’IA conçue pour les gens — pas seulement pour l’industrie.